29 de octubre de 2013

Anne Talvaz, Cosas que no hay que decir




COSAS QUE NO HAY QUE DECIR

Éramos cuatro mosqueteras
(en la actualidad el uso permite decir «la mosquetera»)
que un día nos pusimos a charlar.
Una de nosotras estaba a punto de jubilarse
y la agobiaba la idea de las tareas domésticas, sobre todo las compras.
Otra fue al frente, como siempre,
para explicarle que con los supermercados que envían a domicilio
basta hacer las compras una vez al mes, llenar el carrito 
y con eso una ya puede quedarse más o menos tranquila. 
Y las mosqueteras siguieron conversando en ese tono, hasta que una de ellas
se tapó la boca con la mano y exclamó: 
«¡Hay que ver! Entre mujeres, ¿y de qué hablamos? 
De las tareas domésticas». 
Se produjo un largo silencio de vergüenza.

Ya que es verdad que las tareas domésticas la cocina la limpieza y los críos
todo eso te reblandece la voluntad y el cerebro, 
impide que te tomen en serio,
te cierra para siempre el camino de la psicología la filosofía 
la filología la etología la etnología la etimología la ermenéutica
(¿se escribe sin H?) y la puajsía.
El resto me importa un carajo pero la puajsía...

Doy prueba de gran magnanimidad al emplear esa palabra: 
puajsía, inventada por un tal Albert Cohen
que vino a arruinar mis dieciséis años vibrantes y ferozmente ambiciosos
decretando que las mujeres y especialmente las mujeres con mi aspecto físico 
eran incapaces de escribir.
Pero no importa, el señor Cohen está muerto y en esa época 
yo cultivaba la mansedumbre de los inocentes.

Me gusta cocinar. Adoro cocinar.
Un huevo cascado dentro de una sartén y que toma forma ante los ojos
en el aceite hirviendo, la química de los platos 
que al principio parecen residuos en una olla 
y que se transmutan poco a poco en obras maestras 
de la invención humana (prefiero las recetas tradicionales 
a las elucubraciones progresistas de los grandes chefs). 
Y lavar la ropa, el placer de estirar la mano sin pensarlo para
elegir una prenda
precisamente porque antes pensamos en ella, el placer
de acurrucarse bajo el acolchado...

El acolchado. Un tema sensible. Por definición,
cuando alguien habla como yo ahora, es una «mal cogida».
Del amor como tranquilizante. No está mal como idea.

El abuso de tranquilizantes implica un aumento constante de la dosis
para lograr el mismo efecto. Eso no se les ocurrió. 
Cuánto esfuerzo para lograr que una mal cogida se calle la boca }
(además son todas feas y el Viagra cuesta carísimo).
Los hijos. Otro tema sensible. Hablar de los hijos
es prueba de falta de vigor intelectual, de inventiva,
de debilidad y de vulgaridad. Por acá, sin embargo, de hijos poco y nada
(de paso, quisiera hacerle llegar mi saludo a MD y su bebé),
¿dónde está entonces la vulgaridad? Aparte, el tema no le interesa a nadie. 
Es algo que sabe todo el mundo...como si nadie hubiera tenido nunca un hijo,
y además, las historias de niños sólo sirven para los editores 
de literatura para niños... ¿No será más bien 
que el tema forma parte de los así llamados orígenes o consecuencias de la vida
que los pequeños boy scouts siempre listos para el asunto 
no estarían del todo listos para encarar?

Ahora los dejo en paz. Después de todo,
tengo otra cosa que hacer en la vida y ya dije lo que tenía para decir.
Lo dije mal, lógicamente, 
tengo la cabeza puesta en la cocina, el lavado 
y los que me esperan en casa -los hombres, 
el que hace progresar la química del plástico 
(a la manera de un gran chef) y que por lo demás 
observa, calmo y realista, la química del mundo-, 
el hombre en ciernes que en su rincón de la mesa 
crea cien universos por día, la boca grave y la mirada sombría,
esperando que la sociedad lo tome en serio.

Su padre y yo ya lo hicimos.
El resto del mundo lo hará forzosamente,
porque serás un hombre, hijo mío.


CHOSES À NE PAS DIRÉ

Nous étions quatre mousquetaires
(de nos jours l'usage permet "la mousquetaire")
qui nous mîmes un jour à parler.
L'une d entre nous était sur le point de prendre sa retraite
et se préoccupait de ses problèmes d'intendance, des courses en particulier.
Une autre fonça la gueule en avant comme d'habitude
pour lui expliquer qu'avec les supermarchés qui font des livraisons
il suffit d'aller faire ses courses une fois par mois, de bourrer son caddie
et qu'après on est à peu près tranquille.
Et les mousquetaires devisaient ainsi, jusqu'à ce que l'une d'entre elles
se mît la main devant la bouche et s'exclamât:
"Voilà! On est entre femmes et de quoi parle-t-on?
d'intendance."
II y eut un grand silence honteux.

Tant il est vrai que l'intendance la cuisine le ménage et les marmots
cela vous ramollit la volonté et le cerveau,
cela vous empêche d'être prise au sérieux,
cela vous barre à jamais la route vers la psychologie la philosophie
la philologie l'éthologie l'ethnologie l'étymologie l'erméneutique
(ça s'écrit bien sans H?) et la pouahsie
Le reste je m'en fiche mais la pouahsie...

Je fais preuve d'une grande magnanimité en me servant de ce mot:
pouahsie, inventé par un certain Albert Cohen
qui vint troubler mes seize ans frémissants et férocement ambitieux
en décrétant que les femmes et notamment les femmes qui me
ressemblaient physiquement
étaient incapables d'écrire.
Mais ça ne fait rien, Monsieur Cohen est mort et à l'époque
je cultiváis la mansuétude des innocents.

J'aime bien cuisiner. J'aime cuisiner.
Un oeuf cassé dans une poêle et qui prend forme a l'oeíl nu
dans l'huile bouillante, la chímie des plats
qui au départ font figure de détritus en casserole
et qui se transmuent peu à peu en chefs-d'oeuvre
de l'invention humaine (je préfère les recettes traditionnelles
aux élucubrations progressistes des grands chefs).
Et la lessive, le plaisir de tendre la main sans y penser pour prendre un vêtement
précisément parce qu'on y a pensé, le plaisir
de s'enfoncer sous la couette...

La couette. Sujet sensible. Par définition,
quand on parle comme je le fais maintenant, on est une "mal baisée".
De l'amour comme tranquillisant. Ce n'est pas mal, comme idée.

L'abus des tranquillisants entraîne une augmentation constante de la dose
pour obtenir le même effet. Cela, ils n'y ont pas pensé.
Que d'efforts pour obtenir qu'une mal baisée se taise
(en plus elles sont toutes moches et le Viagra coûte très très cher).
Les enfants. Autre sujet sensible. Parler d'enfants
est une preuve de manque de vigueur intellectuelle, d'inventivité,
de faiblesse et de banalité. Pourtant, par ici, cela se fait peu
(permettez-moi au passage de saluer MD ec son bébé),
done où serait la banalité? Et puis ce sujet n'intéresse personne.
C'est connu...comme si personne n'avait jamais fait d'enfants,
et puis quoi, les histoires d'enfants, c'est bon pour les éditeurs
pour la jeunesse...Ne serait-ce pas plutôt
que ce sujet fait partie des aspects de la vie dits origines ou conséquences
que les petits scouts toujours prêts pour la chose
ne seraient pas prêts à aborder?

Je vous laisse tranquilles maintenant. Après tout,
j'ai autre chose dans ma vie et j'ai dit ce que j'avais à dire.
Je l'ai mal dit, c'est normal,
j'ai l'esprit absorbé par la cuisine, la lessive,
et par ceux qui m'attendent à la maison - des hommes,
celui qui fait progresser la chimie du plastique
(à la manière d'un chef coq) et en-dehors de cela
observe paisible et réaliste la chimie du monde-
l'homme en devenir qui sur le coin de la table
crée cent univers par jour, la bouche grave et l'oeil très noir,
en attendant que la société le prenne au sérieux.

Pour son père et moí c'est déjà fait.
Le reste du monde y viendra forcément,
car tu seras un homme, mon fils.



Anne Talvaz 
(Bruselas, Bélgica, 1963) 
Reside en París
Traducción de Mirta Rosenberg y Jaime Arrambide
extraído de USTEDLEEPOESÍA2
para leer más en LUVINA
y MÁS
en WIKIPEDIA

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